Chez Jérôme Bosch - Jheronimus Van Aken (1453-1516) de son vrai nom -, le feu de l’enfer couve toujours de manière inquiétante, quand il n’éclate pas au grand jour. Inédite, hallucinatoire, hypnotique, surréaliste ; la peinture de Bosch a toujours fasciné. On passe en vain des heures devant l’une de ses œuvres grouillantes : impossible de venir à bout des mille et une particules réticulaires qui s’agitent sous le glacis craquelé du Maître. Une exposition qu’il faut bien qualifier de sensationnelle, s’est tenue aux Pays-Bas, à Hertogenbosch (Bois-le-Duc), dans la ville natale du peintre, à l’occasion du 500ème anniversaire de sa mort : « Jheronimus Bosch, visions d'un génie », du 13 février au 8 mai, au Het Noordbrabants Museum. Cette exposition a ensuite poursuivie sa route, du 31 mai au 11 septembre, au musée du Prado de Madrid. C’est également à cette occasion qu’a paru chez Actes Sud, Jérôme BOSCH peintre et dessinateur, le catalogue raisonné. L’œuvre relève du génie et ce catalogue, superbe livre d’art, s’impose désormais comme une référence.
À la fin du XVe siècle, les triptyques de Bosch font fureur à la cour de Bruxelles. La réputation de l’artiste est immense. C’est toujours le cas cinq siècles plus tard : son art est universellement connu, mais que sait-on de l’homme ?
Les maigres archives nous disent qu’il payait beaucoup d’impôts, épousa une noble, plus riche et plus âgée que lui, et mourut sans descendance. Jheronimus Bosch aurait mené une existence de notable : membre de la confrérie Notre-Dame, réunissant l’élite locale, il travailla en harmonie avec ses frères et neveux dans l’atelier hérité de leur père. Une vie paisible en somme, occupée à exprimer en images les pires avanies du genre humain. Fort de sa cavalerie pustulante et ballonnée, Bosch ne rate aucun des travers de ses semblables : l’avarice, la luxure, la gourmandise… et on en passe en cette époque d’hérésie et de mysticisme.
Avec Bosch, les gargouilles tombent des hauteurs, les monstres ailés décollent des stalles, les créatures fantastiques quittent leurs vieux parchemins pour envahir en hordes démoniaques les panneaux de bois des retables destinés aux chapelles. C’en est fini des piétés extatiques et sublimes. La tentation et le péché font une entrée fracassante dans les canons de la peinture religieuse. Bien sûr, sans de très hauts appuis, l’artiste aurait pu finir à la potence. Mais la cour l’adule, il fait réfléchir, il aiguillonne, bouscule.
Son succès est retentissant. Jheronimus Bosch, que l’on surnomme « le faiseur de diables », est bientôt réclamé dans toute l’Europe. Aucune surprise donc, à ce que les surréalistes portent Jheronimus Bosch aux nues. Clé des songes, boulevard du rêve, écriture automatique, associations d’idées… Bosch illustre les mille et une façons de lâcher prise. Dali, bouleversé par les insectes à demi humains de Bosch, lui emprunte une sauterelle dont il fait l’héroïne du Grand Masturbateur.
César BIRÈNEJérôme BOSCH peintre et dessinateur, Catalogue raisonné, 608 pages, 99.95 €, Actes Sud, 2016.